De retour après la pause…

•juin 3, 2007 • 3 commentaires

Voilà presque un mois depuis le dernier article. La vie a repris ses droits sur l’écriture : d’abord, une situation invivable à mon travail né d’un conflit de personnalité avec ma boss, qui en profite ensuite pour me voler une de mes bonnes idées (tuant ainsi la possibilité que j’en tire des bénéfices). Inutile de préciser que ça m’a forcé à prendre la décision de quitter cet emploi; puis mes deux enfants qui tombent successivement au combat, vaincus par les power microbes ninja de garderie; puis enfin, mardi dernier, j’ai trouvé une perle, non plus virtuelle, mais d’Orient, bien réelle, avec des courbes et une tête parfaites pour moi. Avec qui un avenir est possible.

Bien du matériel à écrire dans les prochains jours, quand ce maelström sera passé, quand j’aurai trouvé un nouvel emploi, quand j’aurai lâché un tant soit peu le corps de cette nouvelle amoureuse.

Merci aux quelques personnes qui ont pris la peine de m’écrire pendant mon absence. Ces mots me touchent beaucoup.

À quoi ça sert un homme

•Mai 8, 2007 • 8 commentaires

On peut baiser une femme parce qu’on a envie de se vider les burettes. On peut baiser une femme parce qu’on l’aime et qu’on veut rentrer notre propre chair en elle, pour faire un, illusoirement. On peut baiser une femme pour s’approprier une partie de son être, son corps, son sexe, sa beauté. On peut baiser une femme pour dompter son arrogance. On peut baiser une femme pour faire exister la différence sexuelle, pour se sentir homme avec une femme. On peut baiser une femme pour rétablir un rapport de force avec elle. On peut baiser une femme pour lui faire un enfant (nous en reparlerons). On peut baiser une femme parce qu’on a envie qu’elle jouisse à mort, pour l’épuiser, pour lui maintenir la tête fermement écrasée contre le mur, pour lui faire mal parce qu’elle veut profondément qu’on lui fasse mal, car c’est son souhait à ce moment précis. On peut baiser une femme pour calmer son hystérie, ses maux de tête, ses angoisses. Comme une posologie.

Mais Pam, ma voisine, j’aimerais la baiser simplement pour lui faire du bien. Juste parce que son homme, ou ce qu’il en restait, est parti, et qu’elle n’a donc plus d’homme pour la prendre dans ses bras d’homme. Aucun regard d’homme pour lui faire sentir qu’elle est femme, qu’elle est crissement bandante. Aucun homme pour ouvrir ses cuisses, pour lécher son sexe, et ce faisant pour lui faire oublier sa vie de nouvelle séparée pendant un bref instant, toute entière consacrée au plaisir que lui procurent cette langue qui glisse savamment en elle, cette main doucement agrippée à son sein; totalement abandonnée à ses sens, la tête lourde, les yeux fermés, la bouche entrouverte, la respiration plus haletante; sentir un sexe d’homme pénétrer en elle, et inspirer tout en cabrant son corps (les femmes inspirent toujours quand on les pénètre une première fois), puis de ses jambes appuyer sur les fesses de l’homme pour qu’il entre encore plus creux, plus loin, plus partout. Et à la toute fin, sourire, ravie par la surprise de constater que le corps puisse malgré tout exulter, être débordée par l’onde de jouissance, se rappeler enfin ce que ça peut faire que d’être juste bien.

À quoi ça sert un père?

•Mai 8, 2007 • 4 commentaires

J’habite dans une coop. Une cinquantaine de logements, tout autant d’enfants de moins de 18 ans, une cour intérieure où tout le monde fraternise en watchant ses flots. Tantôt, la mienne de fille s’en est allée colorer à la craie un mur de béton, et quand ce fut le temps de lui donner son bain, toute recouverte de poussières qu’elle était, je suis descendu dans la cour pour la cueillir et c’est là que j’ai croisée ma voisine d’en-dessous, Pam, la jeune trentaine, blonde professionnelle, magnifiquement belle sans être un pétard. En fait elle est pas belle mais elle est super belle en même temps. Elle a vécu en relation avec le père de sa fille, qui a deux ans, pendant quelques années, jusqu’à temps qu’elle lui demande de partir, il y a un mois ou deux. Pour des raisons que je ne connais pas mais que j’imagine très bien. Le gars en question est un grand dadais de 35 ans qui passait son temps à jouer au Playstation dans le salon. Le jour du déménagement du twit, Pam est venue cogner à ma porte pour me demander d’appeler la police si j’entendais du barda inhabituel en-dessous. J’ai dit qu’elle pouvait compter sur moi. Mais j’ai pas eu à intervenir.

Depuis, elle panse ses plaies discrètement, c’est à peine si on la remarque dans la coop, samedi je lui ai parlé de mon balcon, elle avait un bandage au pied, s’étant renversé de l’eau bouillante dessus la veille. J’ai une grande affection pour ma voisine, même pas du désir sexuel, j’en reparlerai dans le prochain billet. Juste le fait qu’elle passe au travers de sa séparation, comme moi à une autre époque, déjà, ça me lie à elle. Je me sens comme un alcoolique, par exemple, qui reconnaîtrait quelqu’un de sa fratrie. Même si les séparations sont toutes différentes, je sais ce que c’est, c’est sale et ça pue, et je l’aime d’être là-dedans, de se dépatouiller, d’apprivoiser la nouvelle donne de la vie, la radicalité que ça amène soudainement.

Bref, tout à l’heure donc, je descends dans la cour et sa petite fille est en larmes. Je m’accroupis pour lui demander pourquoi et la petite me saute dans les bras sans crier gare. Il faut comprendre qu’en deux ans de voisinage, Charlotte ne m’a jamais démontré un quelconque intérêt. À peine un bye bye de la main de temps en temps, et encore. C’est une petite choupinette qui vit dans son monde et, hey, s’il y a bien quelqu’un qui comprend ça, c’est bibi ici.

Je me remets debout avec Charlotte collée sur moi, qui cesse de pleurer en fouant avec ses frisous blonds. Pam me dit, pour l’excuser, comme :
— C’est qu’elle s’ennuie de son père.
Je me tourne vers la petite.
— Ahhhhh… Tu t’ennuies de papa! Je comprends, là. Ça fait combien de temps que tu l’as pas vu?
C’est Pam qui a répondu.
— Ça fait trois semaines.
— Ouille, O.K. Ça fait un boutte, hein. C’est quoi, il est en-dehors du pays…?
— Disons pour faire court qu’il est parti faire un trip.
— Bon. Je te poserai plus de questions, c’est pas de mes affaires.
J’ai essuyé une de ses larmes pendant qu’elle m’expliquait que c’était difficile mais que sa mère était là et que l’eau du bain coulait et que, pour éviter les dégâts, ben, elle devait rentrer. J’ai donné un bisou à la petite puis j’ai crié à sa mère qui montait l’escalier de me la laisser quand j’ai mes enfants, que ça ferait de la compagnie à ma petite pis que. bon, ça lui donnerait un break. Mais je pense pas qu’elle va le faire, elle a comme trop de pudeur pour ça.

Je me faisais la réflexion en rentrant : on se demande toujours à quoi ça sert, un père. La psychanalyse dit que c’est pour briser le lien potentiellement dangereux — parce que très puissant — entre la mère et l’enfant. Charlotte répondrait : un père, ça sert à être là pour pas que je m’ennuie, bon.

She’s not (my kinda girl)

•Mai 4, 2007 • 6 commentaires

Je me sens cheap mais c’est mieux comme ça.

Quand j’ai appris hier le nom de la fille que j’allais rencontrer jeudi prochain, je suis allé sur Google et j’ai tout lu sur elle. Je sais par exemple qu’elle a un chat qu’elle appelle «son amoureux». Puis je suis tombé par hasard sur sa photo…

J’ai vécu juste assez de blind dates dans ma vie pour savoir que ça prend un minimum d’attirance physique pour que ça se passe correctement. En voyant sa photo, non seulement je ne sentais pas d’attirance, mais j’ai même eu un mouvement de répulsion. Suivi d’un étrange malaise gastrique. Accompagné d’un intense sentiment de déception mêlée à de la colère.

C’est très rare, mais je l’ai ressenti comme une blessure narcissique. Je ne comprenais pas mes amis d’avoir voulu me présenter cette fille bien trop baraquée pour moi, au sourire éteint. Je l’ai vraiment pris personnel, comme si le fait de vouloir me présenter cette fille équivalait à dire qu’ils ont une bien piètre opinion de moi, de ma beauté, de mes charmes, etc. C’est totalement irrationnel mais néanmoins vrai.

J’ai mis ces émotions de côté pendant un temps, je me suis concentré sur mon travail. Je ne voulais pas écrire à mes Cupidons de service pour leur dire d’oublier ça. Ma meilleure amie m’a dit de donner malgré tout une chance au coureur. J’ai montré la photo à ma collègue de travail qui m’a dit : «Mon Dieu, c’est tellement pas pour toi, ça!» Malgré le temps qui passait, mon malaise, lui, ne passait pas pantoute.

À 20 h, j’avais un rendez-vous professionnel. Le mec ne s’est jamais présenté. Je lui ai donc écrit un courriel pour qu’on se prévoie un nouveau meeting. Il proposa jeudi prochain, même heure, même poste. J’acceptai illico.

Ce n’est que deux heures plus tard que je me suis rendu compte que j’avais prévu le rendez-vous EN MÊME TEMPS que celui de ma date potentielle!

Je suis très sensible aux actes manqués de la sorte. Il ne m’en fallait donc pas plus, ce matin, pour annuler tout ça pour éviter un gros malaise à tout le monde.

Je me sens cheap et superficiel, mais crisse, tomber amoureux n’a rien à voir avec la charité ou les bons sentiments! 

L’hérédité

•Mai 3, 2007 • Laissez un commentaire

On ne se rend pas assez compte à quel point nos enfants sont traversés par les désirs que nous projetons sur eux, consciemment ou non.

Les questions de création et de procréation sont centrales dans mon existence, pour plusieurs raisons. D’abord parce que ma mère a fait une fausse-couche avant moi, puis une autre après ma naissance. Mon premier souvenir de lecture, c’est une brochure scientifique sur la naissance que ma mère a eue quand elle est allée à l’hôpital pour apprendre qu’elle était enceinte. Je me souviens d’ailleurs très bien quand elle me l’a annoncé (j’avais 9 ans), j’arrivais de l’école. Je me souviens quand mon père est venu nous réveiller, un matin, ma soeur et moi, pour nous dire qu’on avait un petit frère. Je me souviens de la dépression post-partum qui a suivi, de ma mère enfermée dans sa chambre (elle avait, dans un cri, exigé qu’on place son fils parce qu’elle avait envie de le tuer) et les dîners qu’on passait chez ma grand-mère paternelle, qui habitait à deux pas de l’école.

Pendant sa grossesse, je lui avais fait faire un saut par exprès, pour jouer, et elle m’avait engueulé parce que ce genre de saut pouvait faire en sorte qu’elle perde son bébé (elle qui en avait perdu deux déjà). Ça m’avait traumatisé!

Plus tard, j’ai étudié en création littéraire, et j’ai exercé un métier dont la désignation en français, inspirée du latin, signifie «accoucher». Ce passage du zéro au un, par le biais de l’art, ou deux deux au trois, avec la procréation, c’est vraiment autour de ça que gravite mon désir professionnel et bien d’autres aspects de ma vie. J’y reviendrai sûrement. Pas étonnant que je m’intéresse autant à la sexualité.

Tout ça pour dire qu’hier, j’ai soupé seul avec mon fils pendant que sa soeur suivait des cours de natation avec sa mère, et pendant notre discussion, je lui ai demandé, comme il dévore en ce moment le livre L’imagerie des métiers, celui qu’il fera plus tard, quand il sera grand.

Je suis encore sur le cul près de vingt-quatre heures après avoir entendu sa réponse : médecin-accoucheur!

My kinda girl

•Mai 2, 2007 • 3 commentaires

Un chic type avec j’ai travaillé pendant les dernières Fêtes s’est mis dans la tête de me matcher. «C’est pas possible qu’un bon parti comme toi soit toujours célibataire après plus de deux ans de séparation!» J’ai beau lui expliquer que ce ne sont pas les candidatures ni les propositions qui ont manqué, rien à faire, il croit dur comme fer que je pige dans la mauvaise talle. En tout cas, je lui ai promis une grosse somme – et une place de choix dans l’église – s’il me dénichait cette perle rare.

Il se trouve qu’il sort avec une très jolie rousse qui, selon lui, est justement en contact régulier avec une talle de jeunes professionnelles dans la trentaine en quête d’un amoureux. Juste à choisir dans le tas, paraît-il. Il m’écrit donc pour me demander quel est mon type de femme.

(…)

(…)

Hum. Difficile à dire. Comme père, je ne peux pas être avec une femme qui n’aime pas les enfants. Ça élimine plus de candidates qu’on pense. Il y a aussi celles, encore plus nombreuses, qui ne veulent pas prendre le train en marche, avoir affaire avec une ex ou avoir le titre poche de belle-mère. 

Dans les premiers mois après ma rupture, je me suis créé une fiche sur Réseau Contact et j’étais sidéré de voir le nombre de filles qui ne voulaient pas me rencontrer parce que j’avais des enfants. Il y a une croyance populaire qui veut que c’est plus difficile pour une mère séparée de se trouver un nouvel amoureux; je ne suis pas d’accord.

À ce sujet, je parlais hier avec la mère de mes enfants qui m’a confié être en break avec son chum. Raison évoquée : il veut des enfants d’elle mais elle n’est pas du tout prête à tomber enceinte de nouveau, car elle travaille fort pour réorienter sa carrière. Paraît que depuis deux ans, tous les hommes qu’elle a rencontrés veulent des enfants d’elle. Bonsoir le mythe des Invincibles!

Bref, je me suis toujours dit que ça me prendrait une femme qui a déjà des enfants, qui comprend la situation dans laquelle je me trouve, mais en même temps, je me trompe peut-être. J’ai l’impression que je veux encore des enfants, mais on verra ça aussi.

Je fais ici une confidence, de peur de passer pour un être profondément superficiel : la future femme qui partagera ma vie doit être vraiment belle. Pas un pétard, mais une vraie belle femme. Un proverbe roumain dit : ton amoureux doit être juste un peu plus beau que le diable. Je ne partage pas cet avis : je ne saurais me contenter d’une laide hypercochonne/gentille/intelligente/maternelle/etc. J’ai déjà donné, pendant plusieurs mois, et je ne pouvais me résigner à oublier cette évidence : je ne la trouvais pas belle. Ce furent des adieux déchirants.

je veux une femme qui est passionnée par ce qu’elle fait. Une grande curieuse.

Une femme qui aime le sexe. C’est sûr. Mais je ne connais rien de plus pervers et déjanté qu’une femme amoureuse. Alors à part les vraies frigides, avec qui il n’y a rien à faire, tout est possible au lit avec une femme, passé un certain niveau de confiance et d’abandon. Les femmes sont des machines à jouir – ce que je leur envie.

Une femme qui accepte : que je regarde la télé pour me débrancher le cerveau, que j’aime la viande, que je suis un fan de boxe, que je mette la même paire de pantalons deux jours de suite. Que je suis un homme, quoi.   

Un 5 à 7 est prévu jeudi prochain. À suivre. J’ai hâte d’être amoureux!

Mise à jour : Je viens de googler la fille… Je la trouve vraiment pas très jolie!

Sages sages-femmes

•avril 30, 2007 • 3 commentaires

Lorsqu’on arrive dans une maison de naissance, on nous demande d’enlever nos montres. Accoucher ne fait pas partie des activités qui sont régies par le temps normal de la vie quotidienne. Comme on dit souvent en blague, ça prendra le temps que ça prendra.

Sauf qu’aujourd’hui, on est tellement rendus fous que même les accouchements sont prévus pour ne pas que ça dérange trop l’Horaire (celui du médecin, de l’anesthésiste pour la péridurale, et parfois la femme d’affaires pressée. C’est effectivement devenu courant, en France, de choisir la date de son accouchement avec son obstétricien pour que ça n’hypothèque pas trop la carrière…).

Et puis un accouchement, ce n’est pas une opération, ça n’a pas a priori a être médicalisé. Dans un hôpital, quand ça fait mal, le ou la doc dit : ok, on va soulager ta douleur; en maison de naissance, quand ça fait mal, la sage-femme dit : parfait, ça veut dire que ton bébé avance, lâche pas ma fille. Mon ex et moi avons décidé d’accoucher dans une maison de naissance (j’insiste pour dire que j’ai vécu un accouchement moi aussi, même si j’ai pas eu mal, j’en reparlerai un jour) parce que ça nous semblait être un endroit où on pouvait vivre cette expérience de manière humaine. Un lieu où on peut adresser toute question, et surtout toute inquiétude non médicale, à une personne pour qui c’est l’activité principale, voire la passion, de mettre des bébés au monde. La nôtre était rendu à 3000 bébés, je pense.

Comme père, on peut souvent penser qu’on est évacué du discours légal et médical. À Québec, par exemple, et à Sainte-Justine si je ne m’abuse, il y a le Centre Mère-Enfant; sur les formulaires légaux, on n’écrit plus «père», pour ne pas déplaire aux lesbiennes qui deviennent parents, je pense que c’est : «personne accompagnante». On pourrait penser que dans les maisons de naissance, comme c’est un monde de femme, c’est encore pire que dans la société. Or, rien n’est plus faux. Pour l’accouchement de ma fille, comme j’avais trompé mon ex pendant sa grossesse, comme il était même question à un certain moment que je ne sois même pas présent à l’accouchement, j’aurais été en droit de m’attendre à des regards, des sous-entendus, des petites pointes méchantes; mais non, jamais je ne me suis senti jugé par ces femmes. Même que pendant que ma petite coquine sortait du sexe de sa mère, notre sage-femme m’a invité à la tirer de là moi-même, pour ensuite, de mes mains, la déposer sur le ventre de sa mère. Geste hautement symbolique dans les circonstances.

C’est pendant cet accouchement ultra-rapide qu’est survenue la petite histoire dont j’ai parlé dans mon autre billet sur les sages-femmes.

Nous sommes arrivés vers 9 h du matin dans notre salle d’accouchement. À quelques mètres de là, nous entendions crier de douleur une femme qui tentait depuis la veille de mettre son enfant au monde. Mais le travail n’avançait plus. C’est pourquoi notre sage-femme a été appelée en renfort. Parfois, après de longues heures d’accompagnement, les sages-femmes vont faire appel à l’une de leurs collègues, pour apporter du sang neuf, une nouvelle énergie. Ça nous était arrivés pour l’accouchement de notre fils : après huit heures de travail, dont deux heures pour la poussée finale (il est né «la tête vers les étoiles», la tête en l’air donc, et habituellement ces naissances nécessitent des ventouses, forceps ou carrément des césariennes), notre sage-femme et son apprentie du cégep de Trois-Rivières ont demandé à une troisième sage-femme de se joindre à la fête. Mon ex a raconté plus tard que c’est cette dernière qui l’a finalement «accouchée» : elle s’est mise à l’encourager comme un coach, disons, presque agressivement, lui prenant même la tête tout contre son corps. Une relation très intense s’est donc développée spontanément entre mon ex et elle. Il paraît que dans les dernières secondes avant que le flot ne sorte, celle-ci a violemment mordu le bras de la sage-femme.  Trêve de tergiversation.

La mère hurlait et le bébé ne voulait pas sortir. Notre sage-femme est donc appelée en renfort. C’est elle qui nous a raconté ce qui s’est passé. Après avoir pris toute l’information sur le déroulement des dernières heures, elle s’est aperçue que c’était peut-être un blocage psychologique qui empêchait le travail d’avancer. En effet, cette mère était très obèse. Or, les ambulanciers, dans ce cas, exigent que les accouchements aient lieu au rez-de-chaussée de la maison de naissance, et non dans les salles d’accouchement, situées à l’étage. Il avait pourtant été décidé, pour une raison que j’ignore mais que je peux imaginer, que cette femme allait accoucher comme les autres femmes : à l’étage. Ce détail, qui peut paraître insignifiant, avait pris, dans la psyché de la mère, des proportions gigantesques.  En ouvrant verbalement le problème avec elle, notre sage-femme a compris qu’elle était trop préoccupée par cette éventuelle visite des ambulanciers. Elle l’a recentrée sur le bébé à venir. Tout simplement. Et celui-ci s’est pointé dans l’heure qui a suivi.

C’est pourquoi je les appelle affectueusement des chamans. Elles sentent les gens plutôt que de les voir comme des sacs à symptômes qu’il faut rentrer dans un moule.

Poésie pour temps gris

•avril 28, 2007 • Un commentaire

L’an dernier, pendant les toutes dernières neiges. J’embarque ma fille dans son siège d’auto et je remarque du coin de l’oeil mon fils en train d’enlever, de ses pieds, de la neige accumulée sur le trottoir :
— T’es en train de nettoyer le trottoir, mon homme?
— Ben non, papa! Je fais apparaître le printemps!

(C’est ce même petit bonhomme qui, surprenant sa mère en train d’enfiler son soutien-gorge, à trois ans, avait dit : «Tu mets tes seins, maman?»)

Angoisses de père (3e partie) : L’avenir

•avril 28, 2007 • Laissez un commentaire

De tout temps, les parents ont voulu laisser à leurs enfants un monde meilleur. Au Québec, ce sentiment a culminé autour de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, quand sont nés les baby-boomers. Horrifiés par les affres de la guerre, désirant oublier, voire refouler tout cela le plus rapidement possible, les jeunes parents décident de faire beaucoup de bébés et implantent en eux le désir d’un monde meilleur. Ils leur laissent créer un monde, leur monde. Plutôt que de leur inculquer une éducation où ils auraient à s’intégrer dans un monde déjà-là, ces parents ont transmis l’illusion à leurs poupons que tout était possible. Ça leur a donné une grande liberté, de grands idéaux (irréalistes, mais tout de même, il faut viser les étoiles pour atteindre la cime des arbres); ils ont créé l’assurance-maladie, pour ne pas avoir à s’occuper des malades et de leurs parents vieillissants; des garderies, pour s’occuper de leurs enfants pendant qu’ils s’accomplissent dans leur boulot, etc. Cette génération d’enfants qui n’avaient pas le sens de l’histoire, ayant été victime d’un défaut de transmission de la part de leurs parents, a également cru qu’elle n’allait jamais mourir. Il faut prendre en compte le nombre hallucinant de personnalités québécoises qui parlent de la mort ces jours-ci pour qualifier la période actuelle de grand wake-up call pour toute une génération qui ne sait pas encore comment mourir, et qui donc doit apprendre à vivre. La pyramide des âges s’inverse et, sans être pessimiste, je n’ai pas hâte de vivre cette implosion de la société québécoise. Car nous, nous sommes nés dans un monde auquel il a fallu s’adapter : créer nos emplois, vivre avec les clauses orphelins, composer avec le nouveau conjoint de notre mère qui ne veut pas nous voir la face à la maison, baiser avec des condoms pour ne pas mourir à petit feu, recycler…

Je me couche souvent en pensant à ça. Je suis quelqu’un de très joyeux dans la vie, on ne me connaît que très peu de sautes d’humeur, mais il m’arrive d’être inquiet. Quand j’entends que des dirigeants nord-américains, en ce moment-même, à Calgary, à huit-clos en plus, décident de comment on va leur laisser utiliser notre eau potable, je ne peux m’empêcher de me ronger frénétiquement quelques millimètres d’ongles. Ils parlent de construire un aqueduc qui amènerait de l’eau canadienne vers les États-Unis et le Mexique; on serait totalement vidés de cette ressource, notre or bleu, l’avenir économique de notre coin de pays pour les 50 prochaines années. Quand André Boisclair va contre la volonté du Parti québécois et s’oppose à la privatisation de l’éolien; quand je marche sur un troittoir et que je vois des piétons ou des automobilistes lancer leur cigarette par terre, pour ne nommer que ces exemples-là, je capote pour mes enfants, et pour leurs enfants. J’ai compris le mot environnement quand je suis devenu parent (comme j’ai compris le désir de souveraineté des Québécois quand j’ai fondé mon entreprise).

Je ne supporte pas qu’on gaspille de l’eau. Cette obsession me vient de mon enfance, mon père venait cogner dans la porte quand il considérait que ma douche était trop longue. Il avait peut-être aussi peur que je me masturbe, mais ça c’est une autre histoire. Il le faisait aussi parce que nous n’étions pas riches et que de l’eau chaude, c’est pas gratis. Ce qui fait qu’aujourd’hui, je chicane allèegrement mes enfants qui laissent couler l’eau du robinet pour rien. Et je leur explique, malgré qu’ils aient deux et cinq ans, que s’ils veulent que leurs enfants aient de l’eau à boire plus tard, il ne faut pas qu’ils la gaspillent.

Quand j’entends George W. Bush dire qu’il est pour l’environnement en autant que ça ne fasse pas souffrir l’économie américaine, j’ai envie de lui répondre : comment se comporte une économie de marché si le marché n’existe plus en raison de la mort de tous ses consommateurs?

Harper, W., qui sont des pères, comment peuvent-ils être aussi égoïstes?

Angoisses de père (2e partie) : Et si un de mes enfants mourait?

•avril 28, 2007 • 5 commentaires

L’an dernier, j’ai failli tuer ma fille, ou la rendre handicapéee. Mes enfants jouaient tous les deux sur le matelas du haut d’un lit superposé, dans leur chambre. Ils aimaient cet espace (qui a cessé d’exister après cet épisode), c’est d’ailleurs là que ma fille a fait ses premiers pas à quatre pattes. Je leur grimpais 5-6 jouets et ils pouvaient s’amuser là pendant plusieurs minutes, jouissant de la différence de perspective, j’imagine. Le lit était situé dans un coin de mur, alors évidemment que je surveillais quand les enfants s’approchaient trop près des deux bords de lit donnant dans le vide, j’étais debout à jouer avec eux.

Or, un soir d’hiver, alors que je m’occupais du grand, à ma droite, j’ai vu une boule rose du coin de l’oeil gauche qui s’engouffrait entre le mur et le lit. Jamais je n’aurais pu penser qu’elle puisse tomber dans cet espace d’à peine quelques pouces de large.

Je ne suis absolument pas croyant. Ma mère et ma grand-mère maternelle, de même qu’une partie de ma paroisse natale ont bien essayé de faire de moi un curé, mais peine perdue, j’ai l’intime certitude que dieu et ses dérivés, voire ses dérives, ne sont que pures et nécessaires croyances. Dieu existe, mais seulement parce qu’on l’a inventé. C’est bien fifficile d’être curé quand on n’a pas la foi. Et qu’on va dans les groupes de prière parce que ça permet d’entrer en contact avec des filles, vu qu’à ton école secondaire privée, tu en es justement privé. Bref, je ne crois en rien de divin, mais quelle force m’a poussé ce soir-là à étirer le bras, en une fraction de seconde, pour rattraper, juste à temps, la boule rose en pyjama, par la cheville gauche, avant qu’elle n’aille se fracasser le crâne, un mètre plus bas, sur l’angle droit du rebord de la fenêtre, je ne saurais le dire. Du pur instinct. C’est comme si le corps agissait avant l’esprit. Comme quand on se brûle et que notre cervelet, notre moëlle épinière font bouger notre corps loin de la source de chaleur avant que notre cerveau n’ait le temps de dire ayoye.

J’ai soulevé ma fille par une patte, comme mon père le faisait, quand j’étais moi-même un flot, avec des lièvres qu’il attrapait dans des collets. Je l’ai retournée du bon bord, je l’ai serrée contre moi pour la consoler, pour calmer sa peur. Ensuite j’ai descendu mon fils du lit d’en haut pour le déposer par terre lui aussi et je les ai envoyés regarder la télé dans le salon. Mes jambes, puis mes nerfs ont lâché, et je me suis mis à trembler de tout mon être. Jamais, jamais, je n’aurais pu me pardonner, si. Je ne vois pas comment je pourrais me remettre de ça. J’ai lu que dans ces situations, on se découvre des forces insoupçonnées. Ils appellent ça de la résilience. Et puis il y aurait eu mon fils à faire grandir sans sa soeur. Et puis il y aurait eu la mère. Je n’ose même pas y penser. C’est du domaine de l’in-concevable.

Il y a eu ce midi de printemps, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. J’étais séparé depuis quelques jours seulement. Je me stationne du côté sud d’Ontario, je sors de ma voiture, mon fils me voit, sur le trottoir du côté nord, et se met à gambader, tout sourire, en criant, joyeux, je le vois encore dans ma tête avec sa casquette, papa! papa! papa! Et mon coeur s’arrête, sa mère lui beugle son prénom, mais il est trop dedans sa joie de me voir, il est tout entier dans son désir que je le prenne dans mes bras, et évidemment les voitures qui s’en viennent, il s’en fout, et il traverse la rue, se vautre sur moi et je suis à la fois fâché contre lui et tellement content que les automobilistes aient décidé, en ce samedi matin, de rouler lentement.

(Ça me rappelle qu’un jour, dans une petite rue, je roulais plutôt lentement et un enfant avait fait la même chose que mon fils, il s’était mis à courir pour traverser la rue, et il avait percuté ma petite voiture sur son côté, se pétant la fiole sur le pare-brise, puis, reprenant sa course, comme si de rien n’était, il était rentré dans un dépanneur, sans même pleurer. Sous le choc, je me rue dans le dépanneur alors qu’il se fait engueuler par sa mère : «ÇA FAIT VINGT FOIS QUE JE TE DIS DE REGARDER DES DEUX BORDS AVANT DE TRAVERSER LA RUE!!!!» Elle m’en voulait même pas, elle savait que je n’y pouvais rien. Son angoisse de mère s’était transmuée en colère. D’ailleurs, j’ai toujours cru que de la colère, c’était de la peine, de la tristesse, de l’angoisse, de la honte transformée; la colère, c’est un sentiment secondaire, comme on le dirait d’un effet.)

Dans certaines sociétés, et même ici jusqu’à une époque pas si lointaine, c’est normal, dans la mesure où ça arrive très souvent, que des enfants meurent avant leurs parents. C’est quelque chose que je ne veux pas vivre et qui pourtant fait partie du plausible de ma vie. Je reste encore sidéré qu’aucun mot en français n’existe pour nommer cette réalité. On dit veuve, on dit orphelin, mais comment on nomme ça, un parent qui a perdu un enfant?